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Section CFDT de Sofradir
4 janvier 2018

Qu’est ce qu’un « petit chef »…« Parce que l’obligation de subir, nous donne le droit de savoir. » Jean Rostand

 

 

 

On a tous connu au moins une fois dans   sa vie professionnelle ce genre de personnage. sans grande envergure,   plutôt Sancho Panza que Don Quichotte de La Mancha…

Parce qu’il est très subjectif d’appréhender ce genre de comportement,  Maurice Thévenet tente de nous en faire une analyse et un portrait.

Dans  son livre « Quand le petits   chefs deviendront grands », Maurice  Thévenet donne une définition   particulière et attribue le nom de  « petits chefs » aux « managers de   proximité » (les contremaîtres).  Après avoir travaillé avec de très   nombreux contremaîtres, du chef  d’équipe au chef d’atelier, je ne   partage pas cette généralisation et  je préfère ne garder cette   appellation que pour une certaine caricature  du rôle de chef qu’on   rencontre aussi bien chez le plus petit chef  d’équipe que chez le cadre   supérieur, chef d’un service important. Ceci étant précisé avançons dans la définition du « petit chef ».

On attribue au « petit chef » tous les défauts du monde de l’entreprise : •  tatillon : il demande des comptes en permanence et veut tout vérifier •  pointilleux : il contrôle les heures d’arrivée, de départ, de pause. •  autoritaire : il impose sans expliquer et n’accepte pas la discussion •  omniprésent : il est partout à la fois, surtout là où on ne l’attend pas •  perfide : il n’hésite pas à monter les gens les uns contre les autres •  résistant au changement : il refuse toute évolution de l’organisation •  violent : il n’hésite pas à insulter ses subordonnés •  injuste : il a ses « têtes de turc » et ses « fayots » •  mesquin : il reproche une minute de retard à l’employé modèle qui n’est jamais absent •  insensible : il refuse un congé pour un enfant malade •  incapable d’écouter : il est dans son monde et pense que lui seul a la vérité •  s’attribue les idées de son équipe : si vous lui faites une    suggestion, il refuse de vous écouter, mais si l’idée est bonne, il la    reprend à son compte un peu plus tard •  irrespectueux voire impoli : il ne vous dit pas « bonjour » le matin,    ne dit jamais « s’il vous plait », ni « merci » et parle à son    personnel comme à du bétail •  accroché à son poste : il a peur en permanence qu’on lui prenne sa place si chèrement acquise •  fier : il a réussi. •  met l’accent sur son rôle de contrôle plus que sur son rôle d’animateur •  etc.

Pour Maurice Thévenet, le « petit chef » se caractérise par : •  sa mission : contrôler des tâches, des résultats •  son caractère : tatillon et autoritaire •  ses compétences : pas de maîtrise des techniques de management, se    positionne toujours du côté des tâches, peu ou pas de démarche de    relations humaines, position défensive face à sa situation chèrement    acquise,

Par ailleurs, Maurice Thévenet  oppose   le « petit chef » au manager qui gère une équipe, qui est un  leader,   qui a des compétences en management des hommes, et qui présente  une   image de dynamisme. Ainsi, le syndrome du « petit  chef » est une déviance du rôle de    manager qui se caractérise par une focalisation sur le contrôle des    tâches et l’ignorance de tout l’aspect relationnel et humain de la    fonction. Alors que comme le souligne très bien Maurice Thévenet,    l’essentiel de la fonction d’encadrement est relationnelle et humaine. En général, le « petit chef » est devenu responsable d’une équipe ou    d’un service parce qu’il était le plus compétent techniquement. N’ayant    pas été formé à sa nouvelle fonction et à ses nombreuses facettes, il    s’est limité à ce qu’il connaissait : les tâches qu’il avait lui-même    réalisées pendant de nombreuses années. Il adapte son attitude pour    rendre ce contrôle le plus efficace possible : tatillon, autoritaire,    injuste, etc., bref il peut avoir tous les défauts énoncés ci-dessus. Et    c’est ce que les entreprises attendaient et continuent d’attendre   (pour  encore une grande part) de lui. S’il n’a aucune compétence    relationnelle ou un charisme de leader « inné », il devient un véritable    « petit chef » avec tous ses travers.

Il ne faut pas confondre cette    attitude avec le harcèlement moral, même si un « petit chef » peut    dévier jusqu’à harceler un de ses subordonnés. Le harcèlement moral est précisément une perversion qui tend à  détruire   une personne par une pression morale insupportable. Il peut  être   réalisé par un individu (supérieur ou collègue) ou par un groupe de    personnes (on l’appelle mobing dans ce cas). L’objectif peut être de    forcer une personne à donner sa démission. Mais il peut très bien n’y    avoir pas de raison apparente et c’est là la véritable perversion. ou la    maladie mentale.

Origine du petit chef

 

 On retrouve cette notion très tôt  dans   le monde militaire où la nécessité de la discipline pouvait   facilement  glisser sur l’arbitraire. Le « chef » était celui qui savait   entraîner  ses hommes par son exemple et son courage. Le « petit  chef »  était  celui qui était plus gradé que les autres et qui  « motivait » plus  par  la contrainte que par l’exemple. Dans les corporations de l’ancien régime, il y avait des maîtres et  des   ouvriers. Les maîtres étaient expérimentés et avaient la compétence.    Et les relations avec leurs ouvriers étaient régulées par la charte de    la corporation. Cette notion de « petit chef » n’existait pas : elle    n’avait pas lieu d’être, le pur contrôleur n’existant pas. Après la disparition des corporations à la fin du 18 ème siècle, (au    moins dans notre pays), chaque chef d’entreprise créait lui-même son    propre règlement intérieur et assurait la discipline. J. Bentham fait la    théorie de la surveillance dans son « Panoptique » publié en   Angleterre  en 1791 et traduit aussitôt en France. La complexité croissante des firmes et la division du travail ont  amené   la création d’une nouvelle catégorie d’employés : les  contremaîtres   que l’on voit apparaître vers 1830. Leur rôle est  d’organiser le   travail et de faire régner la discipline. Ils doivent  être de bons   techniciens ou de bons administrateurs, mais ils doivent  surtout être   dignes de confiance. (Cf. B. Girard : Histoire des théories  du   management). Alors que le contremaître avait une fonction pluridisciplinaire    (surveillance des machines, conception des modèles, entretien des    machines, formation des ouvriers, fabrication de machines,    perfectionnement des procédés, etc.) Taylor découpera ces tâches entre    différents services et finalement, le contremaître ne fera que    surveiller les ouvriers qui pour lui sont plus enclins à la paresse    qu’au travail. Cette classe de « contrôleurs » est devenue la maîtrise que l’on connaît encore de nos jours. Cependant, avec l’évolution des organisations et le raz-de-marée du    « Management Participatif », une grande partie de la maîtrise a disparu,    remplacée par des « animateurs » (ce sont parfois les mêmes qui ont    changé de casquette). Ceci est vrai surtout pour les grandes    entreprises. Dans les moyennes et petites entreprises, il se trouve    encore des contremaîtres à qui leur hiérarchie donne ce rôle exclusif de    contrôle. Comme nous l’avons vu précédemment, c’est l’accent mis exclusivement    sur cette fonction de contrôle qui est à l’origine des « petits chefs ».

Qui est touché par ce syndrome ?

 

 Tout les managers, du chef  d’équipe au   PDG sont touchés à un moment où à un autre de leur carrière  par ce   syndrome. L’important est de le savoir, de le détecter  suffisamment tôt   pour en limiter les conséquences.

•  Les jeunes managers.

Contrairement à ce qu’on pourrait    penser, les cas les plus courants se rencontrent chez les jeunes    managers : c’est quand un jeune prend son premier poste d’encadrement    qu’il y a le plus de risques surtout quand ce jeune n’a pas été formé à    son rôle d’encadrement, ce qui est souvent le cas. Les études    supérieures ne préparent pas du tout à ce rôle et même s’il y a des    cours de management dans les écoles d’ingénieur, la véritable manière de    mener les hommes ne s’apprend que sur le terrain. Il n’y a rien de   pire  que le jeune sortant d’école et pensant tout connaître sous   prétexte  qu’il aura eu quelques heures de cours sur le sujet. J’en ai   connu plus  d’un. Mais ils se sont rapidement cassés les dents sur la   réalité et ont  pu ensuite revenir à une attitude plus humble.

•  Les contremaîtres

C’est dans cette catégorie qu’il  se   rencontrait le plus de « petits chefs ». C’étaient de très bons    ouvriers, nommés contremaîtres car ils étaient bien vus par leur patron.    Mais ils n’avaient pas de formation ni de compétence en management.

•  Les cadres supérieurs et les dirigeants

Les « petits chefs » peuvent se  cacher   partout, même dans les directions générales. Et c’est toujours le   même  processus : celui qui arrive à un poste d’encadrement sans y avoir   été  formé, préparé et accompagné a une forte probabilité d’avoir un    comportement « petit chef ».

Comment devient-on petit chef ?

Le cas le plus classique est le  bon   professionnel nommé à un poste d’encadrement sans formation ni    accompagnement. Cette personne se contentera de reproduire les attitudes    qu’elle a vu appliquées par ses propres chefs, en se persuadant   qu’elle  fera quand même mieux. Souvent, le résultat est pire.

Un autre cas courant est le chef    victime du syndrome de Peter : il occupe son poste depuis quelques    années, mais les évolutions d’organisation font que le niveau de    responsabilité s’est accru et dépasse son niveau maximum de compétence.    Alors qu’il a une expérience d’encadrement, il ne maîtrise plus la    complexité de sa nouvelle fonction : gestion, relations clients, niveau    technique pointu, équipe plus importante ou avec des caractères    difficiles, etc. Il s’accroche donc à ce qu’il peut : le contrôle des    tâches. ou des horaires à défaut de pouvoir évaluer les résultats réels.

L’ambiance et la culture d’entreprise peuvent également favoriser les comportements « petits chefs » : •  quand on recherche des coupables plutôt que des solutions ; •  quand on sanctionne systématiquement au lieu de former ; •  quand les chefs de service ne sont jugés que sur les volumes de    production ou de vente et que la course au chiffre est le seul objectif ; •  quand les tableaux de bord officiels n’incluent que des volumes de production, de vente ou des résultats financiers ; •  quand il y a une antinomie entre ce qui est écrit dans la charte de l’entreprise et ce qui est vécu concrètement ; •  quand on s’intéresse plus au temps de travail qu’à l’efficacité et à la valeur ajoutée de ce travail.

Certains moments tendus de la vie  de l’entreprise favorisent   également cette tendance : quand une  entreprise est en difficultés, ses   managers sont sur le dos des salariés  pour les faire travailler au   maximum et tout est prétexte à « serrer la  vis ».

Maurice Thévenet

Le site web

CV de l’auteur

Formation

Agrégé des Facultés en sciences de gestion. Habilitation à Diriger des Recherches en gestion. Docteur ès Sciences de Gestion, Université d’Aix-Marseille III. Licencié en Droit

Diplômé ESSEC

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